
Au revoir Gilles
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Aujourd’hui, on rend hommage à un membre de notre famille qui nous a quittés le 2 mai 2025.
Gilles, c’était pas juste un partenaire de pétanque. C’était un ami. Un vrai de vrai. Un gars avec qui on ne s’ennuyait jamais. Que ce soit autour d’un repas au Chic Resto Pop, où il nous faisait toujours rire avec son fameux «pas encore de poulet !», ou dans l’auto en route vers le boulodrome de Laval, en racontant une de ses histoires de la côte Sherbrooke … avec lui, c’était jamais plate.
Crédit photo : Hugo Lorini / Parc Lalancette
Le Treiz Pétanque existe grâce à la gang du parc Lalancette, et Gilou a toujours été un pilier de cette gang-là. Il a été là depuis le début, toujours prêt à donner un coup de main, à jaser, à rigoler. C’était un vrai personnage. Un gars qu’on n’oubliera jamais.
Il venait à tous nos événements, que ce soit en vélo électrique jusqu’au parc La Fontaine ou même en hiver au Mont Olympe. Il était toujours là, avec ses lunettes fumées jaunes légendaires, son chandail Le Treiz sur le dos, et ses pas de danse à côté du terrain.
Quartier Hochelaga / Parc Lalancette / Parc La Fontaine
Ses histoires, son franc-parler, ses expressions colorées … ça faisait partie de notre quotidien. Et ça va nous manquer, pour vrai.
Merci pour tout, Gilou. Tu vas rester dans nos cœurs pour toujours.
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Pour lui rendre hommage à notre façon, on vous partage un texte de Laurent Thivierge, un ami et membre de la communauté du parc Lalancette. Son message reflète tout le côté humain qu’on retrouve et qu’on aime tant dans ce lieu d’échanges.
Parc Lalancette (Laurent et Gilles)
Gilles : Le bruit du fer
Par Laurent Thivierge
Avec le départ de Gilles, ce n’est pas seulement un de notre gang qui s’en va, c’est comme si le plus gros arbre de la forêt venait de tomber.
Gilles est parti comme il a vécu : le pied dans panne. Après que les premiers rayons intransigeants du printemps n'aient pas été suffisants pour le faire apparaître au terrain de pétanque comme il était coutume chaque année, toutes les personnes qui le connaissaient le moindrement savaient que ça n’allait pas pour de vrai.
Une fois, je me rappelle l’avoir vu tomber sur le ciment et entendu un bruit sourd qui m’avait convaincu que s’en était fait : Si une hanche qui se casse avait un son, c’est celui-là, m’étais-je dis. Gilles n’avait pourtant pas fini de me surprendre. «Inquiète toi-pas j’suis faite tough» Il s’était relevé, il avait terminé sa partie, avait r’faite la revanche et il avait enfourché sa bécane pour aller souper parce que c’était son heure et il était même revenu plus tard au terrain rejouer. Souvent, s’il arrêtait de jouer, c’est seulement parce que les lumières éteignaient à onze heures. Gilles, il avait eu 80 ans … il y a déjà plusieurs saisons.
Gilles était un des doyens du parc. Quiconque joue à la pétanque au parc Lalancette a déjà joué quelques parties avec lui. Avant toute chose, Gilles était un joueur. Il était un joueur de notre gang. Il fallait voir la détermination avec laquelle il tirait la boule de l’adversaire pour comprendre que l’âge est un concept assez abstrait. En fait, s’il y a une chose que Gilles nous a apprise, c’est bien qu’il ne faut jamais cesser de s’amuser.
Bien plus qu’un jeu : une communauté
Parc Lalancette
À l’heure où notre société stationne celles et ceux qui ont bâti le Québec dans des CHSLD, il faut absolument célébrer les lieux qui nous permettent d’unir les jeunes et les vieux. La pétanque est un prétexte. Dans Hochelaga, au parc Lalancette, elle est le métal (ou l’inox ou le carbone !) sur lequel les mailles d’un filet social se tissent tranquillement au gré où les joueurs deviennent des amis. Je me rappelle d’ailleurs lorsque Gilles s’est fait évincer il y a quelques étés de son appartement qu’il occupait depuis de nombreuses années. À ce moment, il vivait un désespoir terrible et ce sont les camarades de la pétanque qui l’ont aidé à contester puis à trouver un appartement dans le quartier et qui l’ont finalement aidé à déménager, assurant ainsi à Gilles qu’il puisse garder son écosystème intact et qu’il s’assure de pouvoir continuer à venir débarquer des boules !
Je me souviens aussi une fois après avoir joué un tournoi avec lui, il ne voulait absolument pas que je rentre à vélo parce qu’il me jugeait trop bourré et il m’avait assis de force dans son truck avec mon bécycle et il était venu me porter chez moi. Deux jours plus tard, il se tordait de rire à me raconter qu’après m’avoir laissé chez moi, tout juste à l’autre coin de rue, il était persuadé en appuyant sur les freins qu’la transmission v’nait de crisser l’camp à terre. C’était tout juste avant de réaliser que le gros bang-boom qu’il avait entendu s’expliquait par mes boules de pétanque oubliées dans son véhicule, roulant au fond de celui-ci et venant se percuter l’une contre l’autre lors de l’arrêt.
Avec Gilles ne s’envolent pas seulement nos souvenirs directs avec lui, mais aussi ceux d’une autre époque. Gilles se plaisait à nous raconter le Montréal d’avant. Celui d’un Rosemont où y’avait des vaches pis des champs, d’une côte Sherbrooke où les enfants glissaient l’hiver sur un terrain vaste sans stade olympique. Il était fier de nous parler de ce qu’il avait fait après son divorce, à une époque où ça divorçait pas. Il était alors grimpé dans son camion et il avait roulé jusqu’au Nicaragua. Il a bâti un hôtel, a appris l’espagnol et y a vécu quelques années, rien de moins.
Crédit photo : Laurent Thivierge / Boulodrome de Laval
Comment oublier les soirs d’hiver où on allait le chercher pour le sortir de chez lui et l'emmener jouer avec nous à la pétanque à l’intérieur à Laval ? Le chemin pour se rendre au boulodrome est suffisamment long pour que Gilles ait le temps de nous raconter des histoires absolument incroyables, gracieuseté entre autres des aventures de Laberge !
Alors que notre société s’atomise et se transforme au rythme des liens sociaux qui se dématérialisent, les lieux de rencontre physique n’ont peut-être jamais eu autant d’importance. La pétanque est le carrefour de tant d’identités et de trajectoires distinctes.
Aujourd’hui, des jeunes nés en Algérie, au Maroc, au Congo et à Montréal et d’autres moins jeunes issus de partout pleurent le départ de notre Gilou.
Pour la vie, tous et toutes unie par le bruit du fer !